UN SOIR, UN TRAIN.
Dans la blafarde Belgique, André Delvaux nous livre un curieux opus existentialiste (1968) sur fond de querelle linguistique, dans la lignée de Michelangelo Antonioni, grand cinéaste de l'incommunicabilité. Un professeur de sémiologie, Yves Montand, qui aime les huîtres et le vin blanc,
vit avec Anne, interprétée par Anouk Aimée, théâtreuse dépressive.
Anne s'ennuie dans son exil belge, malgré la concupiscence affirmée de son compagnon linguiste, qui la mange de son regard inquiet.
Une conférence à Anvers mène le couple dans un compartiment de train, où l'on peut contempler à souhait le regard d'Anouk.
La réalité se dissout alors laissant place au rêve d'un Montand qui se perd dans ses souvenirs. Une escapade à Londres, dans le quartier Rotherhithe,
un embarquement au Cherry Garden Pier,
un train qui va, laissant l'anti-héros dans la campagne flamande,
blafarde et brumeuse, accompagné d'un étudiant et d'un professeur en religion. Le trio atteindra un village, entrant dans un cinéma glorifiant le parachutisme (??), avec des spectateurs désincarnés, absents, et toujours l'image de la femme Aimée.
Vous aurez compris qu'il ne se passe pas grand chose dans ce film qui s'inscrit dans le mouvement de l'anti-narration, proche du Nouveau Roman voire de la Nouvelle Vague. Delvaux, le belge, s'inspire d'Antonioni l'italien, pour filmer la vacuité de l'existence, avec des individus qui hésitent entre déterminisme et libre-arbitre, qui se meuvent dans le brouillard de la vie. L'époque n'est déjà plus aux grands rêves collectifs mais à la post-modernité individualiste, où la marche du monde se résume au quant-à-soi du couple, aux rapports à l'autre, entre désir et désirspoir. Dans ce monde d'intellectuels, de mandarins verbeux, l'espoir d'un monde meilleur se fracasse sur les difficultés du couple, qui sombre dans une douce mélancolie.
Evitez de regarder ce film si vous êtes dépressif ou de mauvaise humeur, mais laissez-vous tenter si vous avez besoin de quiétude nordique et si vous appréciez les grands yeux d'Anouk Aimée.
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